mercredi 22 décembre 2010

Réveillez le réveillon !

Mangez bon le 24 et le 31 décembre est un impératif catégorique, qui pèse lourd sur les épaules de celui qui reçoit. Mais à trop respecter certaines traditions, on peut finir par manger mal.

Avant de servir les produits réputés incontournables à Noël, il convient de se poser certaines questions. Sont-ils réellement de saison
? Sont-ils au juste prix, car nul n'est obligé de nourrir la spéculation qui permet aux producteurs et intermédiaires de s'engraisser comme des chapons? Et surtout, vais-je prendre un réel plaisir avec un produit d'exception, ou me faire gentiment arnaquer par des étiquettes racoleuses, d'habiles déguisements et de subtiles substitutions? Et quand on est pas sûr de la qualité, mieux vaut acheter des produits plus communs et mettre tout son amour à les préparer. Voici néanmoins quelques conseils personnels sur les mets traditionnels du réveillon :

Bulles : certes, les plus grands vins effervescents sont des champagne, mais la qualité moyenne de ces vins incite à la méfiance. Si vous ne pouvez vous offrir un bon millésimé, une cuvée spéciale, ou le brut sans année d'une grande maison (Jacquesson, Bollinger, Deutz, Pol-Roger...), pensez aux vignerons indépendants de Champagne, ou changez carrément de région. On fait par exemple à Vouvray (François Foreau) et Montlouis des pétillants à base de chenin qui valent les meilleurs BSA.
Huîtres : la flambée des prix ne se justifie que par la demande. On ne saurait trop conseiller aux amateurs d'huîtres creuses de s'en gaver pendant tous les mois en « r », et quitte à casser la tirelire, de sortir de l'ordinaire à Noël avec des fines de claires Gillardeau ou des plates de Cancale. Quant au vin, le muscadet reste un très bon choix, même si d'autres vins frais et fruités peuvent faire l'affaire (le champagne de l'apéritif ou un aligoté bourguignon par exemple).
Saumon fumé : ce produit s'est tant banalisé qu'il paraît presque incongru d'en servir pendant les fêtes. A moins que vous ne sortiez du commun, là encore, en proposant un saumon sauvage de Baltique (évitez l'Alaska), au goût plus subtil et à la chair moins grasse. Pour ceux qui n'aiment pas la vodka, j'ai remarqué que le riesling fonctionnait bien.

Foie gras : je lui consacre un article détaillée ici.
Boudin blanc : c'est à son boudin blanc qu'on reconnait le bon charcutier-traiteur, car le camouflage y est aisé et tentant : qu'il soit à base de jambon (comme à Rethel ou Essay) ou qu'il contienne de la volaille, il doit rester maigre, non farineux (minimum de mie de pain) et bien parfumé (sans ajout d'inutiles brisures de truffes). Les industriels privilégient les ingrédients les moins chers, et ne méritent donc pas votre argent. Pas plus d'ailleurs qu'un prétendu « artisan» qui mégoterait sur la qualité de ses viandes. Conclusion : goûtez-le avant d'en servir à vos amis. Un bon cidre fermier peut être heureux avec ce plat, surtout s'il est servi avec des pommes.
Volailles rôties : il serait dommage de passer les fêtes sans une dinde, un chapon ou une poularde, car ces volailles sont spécialement préparées pour Noël. Mais attention aux arnaques : un chapon de moins de 3 kg n'est pas un chapon. Il en va de même pour la dinde. Ces volailles doivent être âgées de 6 à 8 mois, et n'avoir mangé que des céréales avant la phase d'engraissement final (4 semaines avec complément de produits laitiers). Il est difficile d'être sûr de la qualité car la seule AOC concerne la volaille de Bresse, hors de prix. Les exigences du label rouge sont assez élevées, mais pas assez pour les très bons producteurs qui se soumettent pas toujours à ces classements « moyennisants ». Bref, la basse-cour est un univers impitoyable, et rien ne vaut les conseils d'un bon professionnel. Demandez donc à votre volaillier ce qu'il servira le soir du réveillon, et prenez la même chose. Quand la volaille sort du four (150°, 1 heure par kilo), c'est le moment de sortir le grand vin rouge de la soirée, que l'on aura débouché à l'avance et gardé dans un endroit plus frais que la salle à manger. Les bourgogne les plus légers (chambolle-musigny et tous les vins des Côtes-de-Beaune) vont bien sur les volailles rôties, ainsi que les bordeaux à base de merlot (saint-émilion, pomerol).
Fromages : vos convives n'ayant généralement plus faim à ce moment du repas, ne les effrayez pas avec un immense plateau, mais proposez trois ou quatre fromages de saison, choisis parmi les pâtes molles à croûte fleurie (brie, coulommiers...) ou lavée (pont-l'évêque, livarot, maroilles, époisses, munster, mont d'or...), les pâtes cuites longuement affinées (comté ou beaufort de 24 mois et plus) et les petits chèvres d'hiver (banon, crottin...). C'est le moment de sortir les confitures ou les chutneys. Et surtout de revenir au vin blanc (sec ou moelleux selon les fromages), plutôt que d'ouvrir une nouvelle bouteille d'un rouge chambré qui sortira vaincu d'une confrontation avec ces fromages de caractère.
Bûche : voilà quelque temps que j'ai renoncé aux bûches de Noël de nos amis les pâtissiers, plus lourdes qu'une truelle de plâtre après un repas déjà plantureux, et dont on paye le décor plus que le comestible. La crème au beurre et le biscuit roulé, quand par miracle ils sont frais et réussis, s'apprécieront davantage le lendemain après quelques fruits de mer et un fromage. Au réveillon, préférez des desserts glacés ou aux fruits, et des préparations légères au chocolat noir.

Alter-réveillons
Vous tenez à défier les traditions, ou vous n'êtes pas certain de la qualité des produits ? Changez de réveillon
 ! 
Si les produits de la mer sont à portée de main et de bourse, faîtes des crustacés (exemple de recette ici), une soupe ou une terrine de poisson, suivie de Saint-Jacques, de gambas ou d'un poisson fin (sole, turbot, bar) dont vous aurez préparé la sauce à l'avance et qu'il suffira de cuire à la dernière minute. Enchainez sur du veau : des ris si vous pouvez, ou un jarret longuement braisé que vous n'aurez qu'à sortir du four. Pour le dessert, des fruits exotiques (mangues, ananas, papaye, maracudja) frais ou en sorbet, avec une tuile maison.
Sans produits de la mer, on peut encore se débrouiller mais il faut avoir la main légère. Des œufs brouillés parfumés au parmesan, à la ciboulette ou à la truffe (si vous avez la chance d'en avoir). Une grande salaison, par exemple un jabugo d'Espagne, servi seul ou à côté d'un gaspacho. Du lièvre, ou un civet de chevreuil ou de sanglier avec des pâtes fraîches ou un gratin de macaroni. Et pour finir une tarte fine (avec une pâte feuilletée maison, bien sûr) aux poires ou aux pommes, accompagnée d'une glace vanille ou aux épices.Et n'oubliez pas les deux règles d'or pour se faire plaisir et en donner aux autres : cuisiner soi-même de bons produits, et faire le plus de choses possibles à l'avance, pour éviter de passer la soirée en cuisine.

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