vendredi 4 mars 2011

Beurre, épisode 2 (cuisine, diététique)

La cuisine des Dieux : Indiens versant du ghee
dans le feu en récitant des mantras
La cuisine au beurre ? Pas toujours. Mais la cuisine sans beurre, jamais de la vie !

Les premiers à utiliser le beurre dans l'art culinaire furent, semble-t-il, les Indiens. Ils inventèrent le beurre clarifié (voir ci-dessous), qu'ils nommèrent ghï ou ghee, d'un mot qui signifie oindre, ghrei, et dont est issu le mot christos. Jésus-Christ signifie donc « Jésus le beurré », ce qui vaut bien Moïse sauvé des eaux.
D'ailleurs le beurre, dès les origines, est présent dans de nombreux rituels religieux védiques, puis hindous et bouddhistes. Il est aussi sacré là-bas que l'animal dont il provient. En revanche, Grecs et Romains en firent un produit cosmétique de luxe, pour la peau et les cheveux. Ce sont les Vikings qui l'introduisirent comme aliment en Europe du nord. Ils l'exportaient d'ailleurs dès le XIIe siècle, et se faisaient enterrer avec des tonneaux de beurre, sans doute pour faire la cuisine dans l'au-delà.
Au Moyen-Âge, c'était la graisse du pauvre. Seuls en usaient les paysans des Flandres, de Normandie et de Bretagne. Il faut attendre la Renaissance pour que les palais raffinés des palais royaux s'y intéressent. C'est d'ailleurs à cette époque que naît la gastronomie occidentale, à la cour de Catherine de Médicis où l'on apprend peu à peu à cuisiner des produits frais et simples, plutôt que des gibiers faisandés noyés sous les épices.
Dès lors, le beurre tiendra dans la cuisine une place centrale. Il est même devenu envahissant durant cette période (trop longue) de la gastronomie où la cuisine bourgeoise française dominait sans partage. Puis, tandis que la Nouvelle cuisine remettait le beurre à sa juste place, sans le bannir pour autant, les hygiénistes lui sont tombés dessus, le chargeant de tous les maux de la terre. Nous sommes donc tombés de l'autre côté du cheval en réduisant avec constance, depuis 30 ans, notre consommation de graisses animales concentrées au profit des graisses végétales (huiles et margarines). Or, dans le même temps, la consommation de produits laitiers transformés explosait littéralement : yaourts, fromages, crèmes glacés, desserts lactés souvent très sucrés sont-ils vraiment meilleurs pour la santé ? Tout est question de proportion. En fin de compte, les Français mangent aujourd'hui autant de graisse qu'il y a dix ans, mais ils se donnent bonne conscience sur le dos du beurre. Combien de personnes au régime commencent par supprimer le beurre sur la tartine du matin (10 g à 82% de matières grasses) tout en aspergeant généreusement leurs salades d'huile d'olive : 100% de matière grasse, mais « si naturelle, si bénéfique, si crétoise... »? Pour maigrir vraiment, il faut supprimer toutes graisses et tous sucres, sans exception. Et pour maîtriser son cholestérol, il faut réduire non seulement le beurre, mais toutes les graisses d'origine animale.
Prenons donc un individu normal, soucieux de ne pas grossir tout en se faisant plaisir. Que peut-il bien faire de sa plaquette de beurre ?

Pâtisserie
Disons-le tout net : la pâtisserie sans beurre, ça n'existe pas. Dès lors qu'un dessert exige une pâte ou un quelconque apport de farine, le beurre apporte structure, finesse... et légèreté. Moins de 50% de beurre dans un feuilletage : il ne lève pas. Moins du tiers dans une pâte à tarte : du carton. La brioche allégée en beurre : étouffe-chrétien. Quant à substituer au beurre de l'huile ou de la margarine, mieux vaut s'abstenir. À la rigueur d'autres dérivés laitiers, tels que le yaourt ou le fromage blanc, peuvent faire illusion dans un cake... Mais le beurre est généralement irremplaçable, et comme la pâtisserie est une science exacte, n'essayez pas de jouer avec les proportions ! (voir ici pour quelques bases pâtissières)

Cuisson
Le beurre peut cuire mais il ne doit pas brûler. Au-delà de 120°, les acides gras se décomposent, le beurre se fait moins digeste et noircit, développant des substances cancérigènes. Il ne faut donc pas mettre le beurre seul dans une poêle déjà chaude. 

Cet inconvénient peut être évité par la clarification du beurre. Le procédé est enfantin : faites fondre 500 g de beurre (tant qu'à faire) dans une casserole à feu très doux. Enlevez à la cuiller la mousse qui se forme en surface : il s'agit de la caséine, la protéine du lait. Quand il ne se forme plus de mousse, retirez du feu et versez doucement le beurre fondu dans un autre récipient, en prenant soin de le séparer du petit lait qui s'est déposé au fond de la casserole. Laissez refroidir avant utilisation. Le beurre clarifié ainsi obtenu est un concentré de lipides, qui se conserve des semaines et peut supporter une chaleur de 180°. 
Voici quelques conseils pour la cuisson au beurre, qui exigera quelques précautions supplémentaires si celui-ci n'est pas clarifié :

  • Rares sont les poissons qui doivent être saisis au beurre, car l'huile d'olive est généralement plus indiquée ; mais pour la sole, par exemple, rien ne saurait le remplacer. Mettez donc une noix de beurre (généreuse) dans la poêle en même temps que vous posez celle-ci sur le feu (moyen), et attendez qu'il soit fondu et mousseux pour y poser la sole (salée, poivrée et légèrement farinée) ; récupérez immédiatement le beurre fondu autour de la sole pour l'arroser, et éviter ainsi qu'il ne reste au contact de la poêle.
  • Viandes : le veau et la volaille doivent être souvent saisis avec vigueur avant de cuire à feu doux (surtout s'il sont tranchés fin) ; je vous recommande donc un mélange de beurre et d'huile, que vous pourrez sans craindre utiliser dans une poêle déjà chaude, car l'huile empêche le beurre de brûler. En revanche, les viandes rouges se démarrent à l'huile, le beurre (clarifié de préférence) ne venant éventuellement qu'en fin de cuisson, sur feu doux.
  • Les légumes verts aiment à être réchauffés dans le beurre, après une cuisson à l'eau, au bouillon ou à la vapeur.
  • Les céréales, les graines et les pâtes sont également améliorées par une adjonction de beurre en fin de cuisson, même si l'huile d'olive ou de sésame peuvent convenir selon les recettes.
  • Les légumes-racines se démarrent au beurre, à feu moyen, avant d'être cuits à feu doux, à l'étuvée ou dans un liquide.
  • les patates nouvelles peuvent être sautées au beurre clarifié, mais la graisse d'oie est sans doute la meilleure solution pour les cuissons rapides de pommes de terre ; en revanche, dans la purée...

Sauces
Les liaisons au beurre n'ont plus la cote et c'est justifié. Souvent indigestes, les sauces à base de fonds ou de vins réduits, que l'on montait au fouet avec une quantité de beurre déraisonnable, ont été excommuniées par les chefs de la Nouvelle cuisine (Guérard en tête), au profit de liaisons naturelles et moins riches. Restent néanmoins quelques incontournables du genre, parmi lesquels il faut citer la béarnaise et le beurre blanc.
Pour le reste, des lichettes de beurre en fin de liaison, que l'on incorpore en faisant tourner la poêle ou la casserole, apportent à certaines sauces de la rondeur et du brillant.

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