dimanche 14 novembre 2010

Poule

Poule  naine noire
 Les poules pondent avec le bec, dit le proverbe. C'est qu'on ne fait point de bons œufs avec des bêtes mal nourries. Il n'est de savoureuses poules que fermières, ce qui est vrai de toutes les volailles. L'élevage de pondeuses en batterie, dans ces cages à poule où l'animal ne voit ni le sol ni la lumière naturelle, n'engendre que viande molle et nerfs tendus.
La poule appartient à cette infime minorité de la basse-cour que l'on laisse vieillir au-delà de six mois. Cela lui confère une chair grasse et ferme, cela lui vaut aussi d'être symbole de maternité. Si l'on qualifie certains hommes de papas-poules, on n'imagine pas d'affecter le coq d'un tel sobriquet, tant il préfère courir la poulette que de veiller sur son foyer. C'est donc à la femelle âgée de remplir cet office, et de souffrir les sarcasmes du langage populaire. Est-elle couarde (poule mouillée), ou protège-t-elle sa couvée ? Frileuse (chair de poule), casanière (se coucher avec les poules), idiote (une poule devant un couteau), ou simplement obsédée nuit et jour de ses devoirs nourriciers ?
C'est après deux ans de bons et loyaux services, le temps de voir passer à la casserole quelques générations de cocottes et autres poules de luxe, que la pondeuse de basse-cour est réformée.
Mais avant de passer au fourneau, tordons le cou à cette vieille légende qui prête à Henri IV les propos suivants : « Si Dieu me donne encore de la vie je ferai qu’il n’y aura point de laboureur en mon Royaume qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot ». Selon toute vraisemblance, cette citation fut inventée bien plus tard par Hardouin de Perefixe, précepteur de Louis XIV, dans son ardeur à transmettre au dauphin sa passion de l'agriculture. L'anecdote parut vraisemblable, tant l'agronomie française sous Henri IV avait progressé en rendement et en qualité, sous l'impulsion de Sully et d'Olivier de Serres. En plus d'être fausse, l'anecdote ne résiste pas à l'analyse économique : quel paysan du XVIe siècle aurait pu sacrifier une bonne pondeuse à toute occasion festive ? Louis-Philippe, ne reculant devant rien, amenda la citation en lui ajoutant : « chaque dimanche ». Allons donc, et pourquoi pas une poule par jour et par foyer !
Toujours est-il que le bon roi Henri est éternellement associé aux poules, ce qui pour un tel coureur de jupons n'est pas immérité. Son Béarn natal, qui ne produit pas plus de poules que d'autres régions françaises, en fait une exploitation éhontée, et la fameuse poule au pot farcie passerait bientôt pour l'unique manière d'accomoder le volatile.
Je vous en propose une variante normande, la poule au blanc, plus simple et tout aussi savoureuse.

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